16 mars 2013

L'espace public, espace du politique ?

Suivez les péripéties du projet Parcours de jeu sur le blog Parcours de jeu de l'exposition empathiCITY Making our city together dans le cadre de la Biennale du design consacrée à l'empathie. Hier matin, une intervention de Juliana Gotilla et Lola Diard du projet Parcours de jeu a été censurée, effacée par les services techniques sans qu'elles n'aient été prévenues au préalable et sans discussion... Lola et Juliana ont écrit un article sur le vif. L'association CARTON PLEIN est bien remuée, alors même que le projet Parcours de jeu est valorisé de toute part à la Biennale du design et que tous les membres actifs s’agitent dans tous les sens pour préparer une semaine de festivité autour de ce projet. Nous avons été surpris et choqués par cette intervention qui nous a semblé violente. Nous allons demander à la Ville des explications, puisqu'il y a à notre sens, décalage entre la nature de cette intervention artistique et la réaction de la Ville.


Voici la lettre envoyée à la ville à la suite de cet événément.
  
DE : Association CARTON PLEIN Saint-Étienne, le 12 avril 2013
45 rue Étienne-Boisson
42000 Saint Etienne
0674947949

A : Ville de Saint-Étienne


Objet : Demande de rendez-vous – suite au projet “Parcours de jeu” - exposition empathiCITY Making our city together / Biennale du design 2013


Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus de Saint-Étienne,

CARTON PLEIN est une association créée en 2010 sous l'impulsion de l'EPASE autour d'un site laboratoire : la Cartonnerie. Voilà 3 ans que nous travaillons à animer et concevoir cet espace public temporaire en cherchant à dynamiser le quartier Jacquard, Montaud, Carnot et la ville de Saint-Etienne, en créant des connexions entre les institutions publiques (mairie, EPASE, école d'architecture, école d'art et design, université Jean Monnet), et les associations, amicales laïques, MJC du quartier, écoles publiques maternelles et élémentaires voisines, collèges et l’ensemble des personnes qui fréquentent le site de la Cartonnerie.
Cet espace est précieux car il fédère les personnes et les énergies. Il nous stimule et nous encourage, habitants ou jeunes professionnels, à vivre et exercer nos métiers, tous liés aux dimensions urbaines de la vie sociale, de l'architecture, du design, à Saint-Etienne. Dans cette ville, nous avons le sentiment que les partenaires, techniciens institutionnels et aménageurs sont à l'écoute de ces démarches expérimentales, qui prennent alors tout leur sens. C’est être à la fois audacieux et innovant de prendre la mesure de ces valeurs et partages, de s’en saisir pour imaginer la ville de demain, d’autant plus vivante qu'elle développe ses propres singularités.

L'association CARTON PLEIN a été sollicitée pour être commissaire local d'exposition pour l'exposition EmpathiCITY/ Making our city together  dans le cadre de la Biennale Internationale du Design 2013. En outre, Josyane Franc et Laetitia Wolf, commissaires générales de l’édition 2013 réunissant les projets exemplaires des Villes UNESCO Design, ont invité l’association à interagir durant la Biennale par l’intermédiaire d’un projet. Nous leur avons donc proposé de concevoir un projet qui repose sur l'accueil de designers dans un territoire : « Parcours de Jeu ». Ce projet poursuit l'action que nous menons à bien depuis 2010 et qui défend une démarche de création « ancrée » sur un espace. Travailler « in situ » c’est prendre le temps nécessaire et indispensable pour observer attentivement, appréhender, écouter les lieux et ses habitants, connaître la ville et ainsi être en mesure d'y développer des propositions pérennes ou plus événementielles, en phase avec le contexte urbain.
Le projet « Parcours de Jeu » a été financé par la Cité du Design et l'EPASE, et mobilisait les ressources propres de l'association CARTON PLEIN. Ce projet a également été conventionné avec la Ville de Saint-Etienne (partenaire technique). Ainsi, chaque mois un comité de pilotage se réunissait, formé par les membres signataires de la convention, les équipes de designers et l’association CARTON PLEIN, également signataire car porteuse du projet.
Les deux équipes de designers (Lola Diard et Juliana Gotilla, Laure Bertoni et Sébastien Philibert), sont donc restés 6 mois en résidence dans le quartier Jacquard pour travailler avec les habitants et les structures locales à l'activation à l'émergence de nouveaux espaces publics.
L'une des installations de ce "Parcours de jeux" a été réalisée le long du boulevard urbain. L’architecte et la designer de ce projet, Lola Diard et Juliana Gotilla, ont passé des journées entières à observer et recueillir les points de vue, collecter les trajets des habitants et passants. L'ensemble des données d'enquête recueillies, les paroles habitantes ont été triées et choisies au regard de leur force de représentation  et au regard de la diversité des points de vue qu'elles permettaient. Ces extraits de paroles habitantes construisaient ainsi une mosaïque d'expressions libres où tout un chacun, passant, piéton ou automobiliste, ou encore voyageur depuis le train, habitant, pouvait ainsi interroger librement à son tour l'espace traversé, se reconnaître ou non dans ces perceptions. L'objectif de ce travail de récoltes puis de restitution était d'ouvrir l'espace du débat, de découvrir de nouveaux cheminements dans la ville, d'activer ainsi de nouvelles circulations dans l'espace public.
Cette installation artistique a été autorisée par écrit par le Patronage Saint Joseph à qui appartient le mur et suivi tout au long de sa conception puis réalisation par le Frère Michel, représentant du Patronage. Le projet d'installation a été présenté et approuvé lors des comités de pilotage successifs réunissant nos interlocuteurs de la Ville, de l'EPASE, et de la Cité du design, au fil de sa conception. L'installation a mobilisé également une trentaine de bénévoles et donnait la parole à 32 habitants rencontrés sur ce trottoir dangereux de bord de boulevard. L'installation a été réalisée en deux phases : du 21 au 24 Février 2013 peinture d'une bande jaune de 60 cm de large sur 80 mètres de long sur le mur longeant le Boulevard Alfred de Musset puis du 7 au 9 Mars 2013 peinture des graphismes et textes sur la bande jaune.
Nous ne vous cachons pas que lorsque nous avons été appelés successivement par nos interlocuteurs Ville, Cité et EPASE, pour nous annoncer l'effacement sélectif de ces paroles, nous avons été profondément choqués par cette entreprise radicale, immédiate et discrétionnaire. Notre dialogue permanent, constructif et ouvert, établi avec la mairie et ses services autour de ces projets, le processus et les étapes partagées, validées, s'en sont trouvé de fait disqualifiés !
CARTON PLEIN a pour vocation de travailler dans l'espace public démocratique et ne comprend pas ni l'attitude de la ville ni les arguments qui ont motivé l'effacement de cette installation artistique. Pourquoi ne pas avoir prévenu la commissaire d'exposition et les artistes ? Comment est-il possible d'effacer une œuvre en cours d'exposition dans le cadre de la Biennale Internationale de Design ? Au-delà de l'acte de censure lui-même, pourquoi ne pas avoir sollicité promptement une rencontre collective pour élucider la question ensemble ?
Depuis des mois, l'ensemble de l'équipe joue le jeu de la complexité des acteurs, de l'adaptation aux contraintes et de l'ouverture au dialogue pour construire ce projet. Cette attitude radicale révèle-t-elle une forme de mépris pour les acteurs associatifs locaux qui agissent concrètement et de manière engagée pour transformer leur ville positivement en la rendant plus attractive et apaisée ? Mais peut-être aussi pour l'art dans l'espace public, pourtant sujet d'un colloque à la Cité du design "la commande publique - une démarche artistique intégrée?" où nous avons noté l'intervention de Florent Pigeon ?
Il est également particulièrement choquant de prendre conscience qu’à la veille de l'effacement au karsher, le projet « Parcours de jeu » était présenté devant l’ensemble des représentants des villes UNESCO design. Les designers invités par CARTON PLEIN représentaient la Ville de Saint-Etienne, portant les valeurs mêmes que vous avez développées dans votre discours de clôture, à savoir l'importance de l'empathie et de l'expression des citoyens, moteurs de la réalisation d'une ville créative !
Dans notre démarche, qui est une démarche citoyenne et responsable nous défendons l'idée d'un espace public empli d'usages et de pratiques diversifiés (non sans conflits mais c'est un des enjeux concret de la conception et de l’aménagement même de ces espaces) où se noue la rencontre à l'autre et l'idée d'un espace public démocratique, où se construit du bien commun non appropriable par qui que ce soit mais partageable par tous. Nous ne doutons pas que vous partagiez ces valeurs pour que  l'espace public demeure envers et contre tout doit rester le lieu ouvert qui rend possible les débats et les échanges.
Cette intervention municipale nous parait encore aujourd'hui incompréhensible. Nous avons attendu la fin de la biennale, trop occupés à accueillir les nombreux visiteurs et à animer l'espace public.
Nous souhaitons, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus de Saint-Étienne, vous rencontrer afin que nous puissions discuter et échanger de cet événement de vive voix. En l'attente de vos propositions de dates de rendez-vous, veuillez recevoir, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus de Saint-Étienne, nos salutations distinguées,


Pour les artistes du projet,
Pour les membres et sympathisants de l'association Carton Plein,
Fanny Herbert, Présidente de l'association

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